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Comment le scepticisme peut vous éviter d’être dupé

par Melanie Trecek-King et traduit par Citizen4Science, issu de son site internet anglophone Thinking is Power dédié à la pensée critique pour le grand public sur de nombreux aspects. Parcourez le blog pour retrouver de nombreuses productions de Melanie en version française sur le site de C4S.

Une histoire de fantôme dans la vraie vie

Le 15 novembre 1912, Mme H. et sa famille emménagent dans une vieille maison victorienne délabrée. Elle avait à peine été occupée au cours de la décennie précédente et tombait en ruine. Dépourvue d’électricité, elle était éclairée par des lampes à gaz et semblait toujours dans l’obscurité.

Ce n’est que quelques jours après avoir emménagé que la famille commença à ressentir un sentiment de dépression. L’épaisse moquette de la maison absorbait les bruits de la famille et des domestiques, et le silence était accablant.

Un matin, Mme H. entendit des bruits de pas au-dessus de sa tête et a couru dans les escaliers pour découvrir ce qui se passait. Elle alla de pièce en pièce à la recherche de la source du bruit, même jusqu’à l’étage suivant…. mais il n’y avait personne dans cette partie de la maison.

D’autres membres de la famille entendirent également entendu des bruits.

Pendant la nuit, ils entendirent des meubles glisser sur le sol, de la vaisselle être déplacée. Et même de longs soupirs ou des gémissements.

Un matin, alors qu’elle s’habillait, son fils de quatre ans couru dans sa chambre pour demander pourquoi elle l’avait appelé. Mais elle n’avait rien fait de tel.

Quelques semaines seulement après avoir emménagé dans la maison, Mme H. commença à avoir de violents maux de tête, tout en ressentant de l’épuisement. Elle prit des comprimés de fer et essaya de faire une sieste chaque après-midi, mais rien ne semblait fonctionner.

Chaque soir, alors que son mari mangeait un fruit dans la salle à manger avant de se coucher, il sentit une présence, comme si quelqu’un l’observait dans son dos. Mais lorsqu’il se retournait, il n’y avait personne.

Les enfants perdirent l’appétit et devinrent pâles. Alors, en décembre, Mme H. décida d’emmener les enfants pour de courtes vacances.

Seul dans la maison, son mari fut tenu éveillé la nuit par des bruits inexplicables. Plusieurs nuits, il entendit des cloches sonner. Il vérifia les portes. Une fois, il crut que c’était le téléphone. Une autre nuit, il crut que c’était les pompiers qui se précipitaient dans la rue. Mais à chaque fois, il était incapable de trouver la source du son.

Début janvier, Mme H. et les enfants étaient de retour dans la maison, et les problèmes continuèrent. La nuit, ils entendaient des bruits de pas, des portes qui claquaient, des casseroles jetées dans toutes les directions.

Ses maux de tête revinrent, et elle semblait toujours avoir froid et être fatiguée. Les enfants attrapèrent des rhumes qui semblaient s’éterniser au lieu de s’améliorer. Ils passaient la plupart de leurs journées au lit et refusaient de manger ou même de jouer. Son mari avait de terribles maux de tête. Les domestiques étaient devenus pâles et apathiques. Même les plantes d’intérieur mouraient.

Ainsi, les choses n’allaient pas bien. Mais personne n’avait rien vu pouvant l’expliquer. Pourtant…

Mme H. les vit la première. Un matin, une étrange femme brune, habillée de noir, vint vers elle, puis disparut. La femme lui apparut deux autres fois.

Le 15 janvier, M. et Mme H. allèrent à l’opéra. Alors qu’ils dormaient cette nuit-là, quelqu’un saisit M. H au niveau de la gorge pour l’étrangler. Il se réveilla lors d’une violente quinte de toux. Au début, il pensa que c’était peut-être un cambrioleur. Mais tout était calme. Puis il pensa que Mme H lui faisait une blague, mais elle dormait profondément.

Le lendemain matin, après le petit-déjeuner, la nourrice des enfants lui avoua : « La nuit a été des plus terribles. Cette maison est hantée. »

Elle poursuivit en disant que les autres domestiques avaient aussi entendu et vu des choses, mais qu’ils ne voulaient pas déranger la famille. Mais pendant qu’ils étaient à l’opéra la nuit précédente, les enfants furent attaqués. L’un des enfants se réveilla terrifié et criant qu’un « gros homme » le touchait. Il passa la nuit dans son lit pour se protéger, mais le matin, il demanda à l’infirmière pourquoi elle s’était assise sur lui pendant la nuit.

L’infirmière raconta d’autres histoires, comme celle d’avoir entendu un vieil homme marcher dans le couloir et d’avoir eu l’impression que quelqu’un la suivait. Elle a dit que certaines nuits, les draps étaient arrachés d’un coup sec pendant qu’elle dormait, et que d’autres nuits, le lit tremblait. Une nuit, elle se réveilla et vit une jeune femme mince avec un grand chapeau et un vieil homme chauve assis au pied de son lit. Elle était paralysée par la peur et incapable de bouger jusqu’à ce que quelqu’un lui tape sur l’épaule.

Mme H. interrogea tous les domestiques, qui racontèrent tous avoir entendu des bruits puissant, avoir été suivis et avoir vu d’étranges apparitions.

Elle contacta les anciens résidents de la maison, et a appris qu’ils avaient tous eu des expériences similaires, et que la peur et l’épuisement les avaient fait fuir de la maison.

La conclusion inéluctable était que leur maison était hantée.

Le scepticisme est une réflexion fondée sur les preuves

Le scepticisme a pris diverses connotations. Pour certains, il est synonyme de cynisme ou de négativité. Pour d’autres, il s’agit d’un refus d’accepter des conclusions scientifiques.

Mais le scepticisme consiste simplement à insister sur les preuves avant d’accepter une affirmation. Il s’agit d’une réflexion fondée sur les preuves et d’une approche de toutes les croyances et hypothèses avec un niveau de doute sain.

Nous devons être ouverts à la possibilité de toutes les affirmations, mais pas au point de perdre la tête. Nous ne voulons pas être crédules ou nous laisser berner.

Cependant, les affirmations extraordinaires nécessitent des preuves extraordinaires.

Et si les preuves suggèrent que nous devrions changer d’avis, alors nous devons être prêts à le faire, même si c’est inconfortable. Ne pas accepter des conclusions bien étayées à la lumière de preuves accablantes n’est pas du scepticisme, c’est du déni.

Le scepticisme consiste essentiellement à proportionner la force de nos convictions à la force et à la qualité des preuves, et il est le fondement de la pensée critique et de la méthode scientifique.

Le scepticisme est aussi une source d’autonomie. C’est un bouclier contre ceux qui cherchent à nous tromper, et un outil puissant pour nous aider à prendre de meilleures décisions.

Nous sommes inondés d’informations. Mais comment pouvons-nous savoir ce qui est vrai ?

Considérez les affirmations suivantes :

  • Un complément alimentaire promet que vous pouvez perdre 10 kilos sans faire de régime.
  • Un courriel vous avertit que votre compte bancaire a été détourné et vous demande votre numéro de sécurité sociale.
  • Une célébrité affirme que les vaccins ont causé l’autisme de son enfant.
  • Un message sur les médias sociaux prétend qu’un homme politique dirige un réseau de trafic sexuel d’enfants.
  • Une médium affirme qu’elle peut prédire votre avenir en lisant les lignes de la main.
  • Un ami affirme qu’il a guéri son cancer grâce à des vitamines et à un régime alimentaire particulier
  • Un homme politique déclare que le changement climatique est un canular.

Face à de telles affirmations, un sceptique s’arrête…. et se dit : « Attendez, quoi ? Comment pouvons-nous savoir si c’est vrai ? »

Cette simple évolution de la pensée est profonde, car il peut y avoir un réel préjudice à se laisser prendre à des affirmations qui ne sont pas vraies. Cela peut vous coûter de l’argent, voire la vie. Donc, avant de croire à l’une de ces affirmations, exigez des preuves.

Cottingley Fairies – Source : Wikipedia

Mais le moment le plus important et le plus difficile pour être sceptique est celui où nous voulons que quelque chose soit vrai. Les affirmations qui s’inscrivent dans le cadre de nos croyances et de nos préjugés existants ont le don de contourner notre bouclier de scepticisme, ce qui nous rend plus vulnérables à la tromperie.

Par exemple, en 1917, les jeunes cousines Frances et Elsie ont prétendu avoir pris des photos de fées dans leur jardin anglais. Ces photos ont attiré l’attention de Sir Arthur Conan Doyle, médecin de formation et créateur du tristement célèbre détective rationnel Sherlock Holmes. Doyle était également un spirite, et il pensait que les photos étaient la preuve que la communication avec le monde des esprits était possible. Il était convaincu que les fées sur les photos étaient réelles. Les photos étaient un canular, bien sûr, créé à partir de découpages en carton de livres pour enfants.

Le fait est que nous sommes tous susceptibles d’être trompés.

Des fantômes ? Ou quelque chose de moins sinistre ?

Ce que Mme H. et sa famille ont vécu était réel. Ce n’était pas le résultat de l’imagination débordante d’une seule personne. Tout le monde dans la maison, y compris les enfants et les domestiques avaient entendu, vu et ressenti des choses. Et l’imagination ne tue pas les plantes.

A la mi-janvier, la famille en a eu assez. M. H. raconta à son frère les événements terrifiants que lui et sa famille vivaient dans leur nouvelle maison….. entendre des pas et des voix, ressentir des contacts avec l’au-delà et voir des apparitions fantomatiques. Il avoua à quel point il était inquiet pour la santé de sa famille.

Son frère dit qu’il avait lu un article sur une famille ayant vécu des expériences similaires, et que ce n’était pas des fantômes. Ils étaient empoisonnés, et ils devaient contacter un médecin.

Le lendemain, leur médecin a fait une visite à domicile. Ils parlèrent au médecin des événements étranges que tout le monde dans la maison expérimentait. En se promenant dans la maison, il trouva deux des enfants au lit, et un autre allongé sur le sol, semblant très malade.

Il se rendit ensuite au sous-sol et découvre que les fumées de la vieille chaudière, au lieu de monter par la cheminée, se répandent dans la maison. Il dit à la famille que si elle passait une nuit de plus dans la maison, ils risquaient de ne plus se réveiller.

La cause de leurs symptômes, hallucinations auditives et visuelles, pression thoracique, sentiment d’effroi, et même de toucher, n’était finalement pas surnaturelle. C’était un empoisonnement au monoxyde de carbone.

M. et Mme H. fit réparer leur chaudière. La famille se rétablit et jamais plus ne déclara avoir vu, entendu ou senti des fantômes.

Cela ne veut pas dire que les fantômes n’existent pas. Comme tout bon sceptique, nous devons être ouverts à toutes les affirmations. Mais nous devons aussi exiger des preuves. Et les fantômes sont une affirmation extraordinaire, qui nécessite des preuves extraordinaires.

Et pourtant, il y a un réel danger à croire à une maison hantée alors que l’on est en fait empoisonné.

Messages à retenir

Les opposants peuvent dire que le scepticisme enlève au monde son caractère merveilleux. Je ne suis pas d’accord. La réalité est suffisamment impressionnante sans qu’il faille croire à des choses qui ne sont pas vraies. Le scepticisme est le meilleur outil dont nous disposons pour découvrir la vérité. Le doute peut être inconfortable, mais la certitude est une illusion. Nous devons être prêts à soumettre toutes nos croyances et hypothèses à un examen minutieux… Si une chose est vraie, elle survivra à la remise en question. Si ce n’est pas vrai, nous devons être prêts à changer d’avis.

Nous aimons tous penser que nous ne pouvons pas être trompés, surtout par nos propres expériences. Pourtant, une confiance excessive dans ce que nous pensons savoir peut nous attirer des ennuis. Comme l’a dit Richard Feynman, « Vous êtes la personne la plus facile à tromper ».

Traduction : la Rédaction de Citizen4Science – lien vers l’article original

Citizen4Science est une association à but non lucratif d’information et de médiation scientifique dotée d’une Rédaction. Nous défendons farouchement notre indépendance. Pour nous soutenir, faites un don ponctuel ou mensuel.

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