‘Ailleurs, après’ d’Arnaud Bédouet, au théâtre Petit Montparnasse
Ces deux-là n’ont rien à voir l’un avec l’autre. Elle est fantasque, exubérante, pétulante, elle ne finit jamais ses phrases parce qu’elle en a, en permanence, une autre qui commence. Elle parle avec son cœur autant qu’avec ses mains. Elle est vive, espiègle, pas toujours très polie mais jamais blessante. Lui, il est perpétuellement ronchon, pour ne pas dire acariâtre, tout le temps sérieux et même parfois pontifiant.
Elle ne fait rien de spécial de sa vie, à part vivre, tandis qu’il est professeur de Philosophie à la retraite et qu’il enchaîne en permanence les citations, que ce soit de Kierkegaard, de Blaise Pascal ou d’Agrippa d’Aubigné. Ses phrases, lui, il laisse aux auteurs le soin de les terminer à sa place.
Elle vient tout juste d’être quitté par un homme sans scrupule, et lui est veuf depuis toujours, recroquevillé sur ses manies et ses principes.
Ces deux-là n’ont rien à voir l’un avec l’autre, sauf qu’ils sont voisins, elle au dessus, lui en dessous. Et voisins dans un immeuble dont l’isolation phonique laisse à désirer. Il la connaît bien parce que la tuyauterie de la salle de bain est une vraie caisse de résonance qui lui a permis de ne rien ignorer des disputes du jeune couple. Elle le connaît bien parce qu’elle l’a à maintes reprises entendu parler seul à voix haute, pour refaire cent fois le même cours devant un parterre d’étudiants disparus à jamais ou bien faire des confidences à son épouse défunte.
Ces deux-là n’ont rien à voir l’un avec l’autre. Il faut dire qu’elle est jeune, très jeune. Il faut dire qu’il est vieux, très vieux. Elle est de la génération Y ou Z, née avec Internet, les nouvelles technologies, les réseaux sociaux et le portable qui bourdonne en permanence. Il est de la génération du téléphone à cadran, de la télévision avec une seule chaîne et de l’époque où l’on attendait la prochaine levée du courrier pour envoyer un message à l’être aimé.
Ces deux-là n’ont rien à voir, mais, pour autant, n’ont-ils vraiment rien à se dire ? Et si, par hasard, ils décidaient de partir ensemble, par exemple à destination de Kergolézec, ce bout du bout de la Bretagne, là où son père à elle, qu’elle n’a jamais connu, s’est exilé ? Et si les différences d’âges n’étaient pas une fatalité ?
Les deux interprètes de la pièce, Philippe MAGNAN et Lou CHAUVAIN, font preuve d’un dynamisme sympathique qui sonne juste. Ils sont soutenus par la mise en scène de Catherine SCHAUB et l’habile scénographie de James BRANDILY : par la vertu d’une projection vidéo et de quelques ustensiles, les quatre simples bancs aux couleurs de camouflage kaki se métamorphosent en escaliers, balustre d’autoroute, siège automobile, table de restaurant, digue ou passerelle. Il faut cette grâce et cette minutie pour donner vie à un texte qui n’est parfois pas tout à fait d’une intensité dramatique soutenue. Un bon spectacle, drôle et amer à la fois.
Avec Philippe MAGNAN et Lou CHAUVAIN
Mise en scène Catherine SCHAUB
Scénographie James BRANDILY
Costumes Julia ALLÈGRE
Lumières Michel GUELDRY
Création sonore Aldo GILBERT
Vidéo Mathias DELFAU
Assistant à la mise en scène Frédéric BARON
Depuis le 2 octobre 2025
Mercredi, jeudi, vendredi et samedi à 19h, Dimanche à 15h
Théâtre Petit Montparnasse 31 rue de la Gaité, 75014 Paris
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