Cri d’alarme de l’OMS : une femme enceinte ou accouchant meurt toutes les 2 minutes ; de nouvelles données montrent un recul majeur de la santé maternelle dans le monde
Dans un rapport publié le 23 février l’Organisation mondiale de la santé fait état d’une régression très inquiétante et d’un accès aux soins très variable selon les régions du globe, avec une mortalité maternelle en augmentation ou stagnante
Il s’agit d’un rapport de l’OMS pour le compte de l’United Nations Maternal Mortality Estimation Inter-Agency Group qui comprend : OMS, UNICEF, World Bank Group et la Division Population de United Nations Maternal Mortality Estimation Inter-Agency Group. Les données nationales ont été utilisées pour estimer les niveaux et tendances de la mortalité maternelle de 2000 à 2020. Le rapport dessine les tendances mondiales, régionales et nationales.
Définition d’un décès maternel
décès dû à des complications liées à la grossesse ou à l’accouchement, survenant pendant la grossesse ou dans les six semaines suivant la fin de la grossesse.
« Alors que la grossesse devrait être un moment d’immense espoir et une expérience positive pour toutes les femmes, elle reste tragiquement une expérience dangereuse pour des millions de personnes dans le monde qui n’ont pas accès à des soins médicaux respectueux et de qualité » a déclaré le Dr Tedros, directeur général de l’OMS. « Ces nouvelles statistiques révèlent qu’il est urgent de veiller à ce que chaque femme et chaque fille ait accès à des services de santé essentiels avant, pendant et après l’accouchement, et qu’elle puisse exercer pleinement ses droits génésiques. »
Catherine Russel, directrice exécutive de l’UNICEF a pour sa part fait le constat suivant : « Pour des millions de familles, le miracle de l’accouchement est entaché par la tragédie des décès maternels. Aucune mère ne devrait avoir à craindre pour sa vie en mettant un bébé au monde, surtout lorsque les connaissances et les outils pour traiter les complications courantes existent. L’équité dans les soins de santé donne à chaque mère, peu importe qui elle est et où elle se trouve, une chance équitable d’accoucher en toute sécurité et d’avoir un avenir sain avec sa famille. »
287 000 décès maternels dans le monde en 2020
De 2000 à 2015, des progrès ont été observés avec une réduction significative de la mortalité maternelle. En 2016, on comptait 309 000 décès maternels, légèrement plus qu’en 2020, et depuis, la situation a stagné, voire s’est inversée dans certaines régions.
Dans deux des huit régions des Nations unies – Europe & Amérique du Nord, et Amérique latine & Caraïbes – le taux de mortalité maternelle a augmenté entre 2016 et 2020, de respectivement 17 % et 15 % . Ailleurs, le taux a stagné. Des progrès sont néanmoins possibles selon le rapport. Par exemple, deux régions, l’Australie & la Nouvelle-Zélande, et l’Asie centrale & du Sud, ont connu des baisses significatives de respectivement 35 % et 16 % de leur taux de mortalité maternelle au cours de la même période, tout comme 31 pays à travers le monde.
En chiffres absolus, les décès maternels continuent d’être largement concentrés dans les parties les plus pauvres du monde et les pays affectés par des conflits. En 2020, 70 % des décès maternels ont eu lieu en Afrique subsaharienne. Neuf pays touchés par des crises humanitaires sévères présentent des taux de mortalité deux fois plus élevés que la moyenne mondiale qui est de 223 décès maternels pour 100 000 naissantes vivantes.
Problèmes médicaux associés à la mortalité maternelle
On trouve en premier lieu hémorragies sévères, hypertension, infections liées à la grossesse, complications d’un avortement à risque et pathologies sous-jacentes qui peuvent être aggravées par la grossesse, comme le VIH/sida et le paludisme. Le rapport précise que toutes ces causes sont largement évitables et traitables grâce à l’accès à des soins de santé de qualité et respectueux.
Cependant, le sous-financement des systèmes de soins de santé primaires, le manque de personnel soignant qualifié et la faiblesse des chaînes d’approvisionnement en produits médicaux menacent les progrès voire aggravent la situation.
Défaut de prévention ou de soins postnataux de base pour un tiers des femmes
33 % des femmes dans le monde n’ont pas accès à la moitié des huit contrôles prénataux recommandés ou ne reçoivent pas les soins postnataux essentiels. De même 270 millions de femmes n’ont pas accès au méthodes modernes de planification familiale, dans un contexte d’inégalités liées aux revenus, à l’éducation et à l’origine ethnique.
« Il est inacceptable que tant de femmes continuent de mourir inutilement pendant la grossesse et l’accouchement. Plus de 280 000 décès en une seule année est inadmissible » a déclaré le Dr Natalia Kanem, Directrice exécutive de l’UNFPA. « Nous pouvons et devons faire mieux en investissant de toute urgence dans la planification familiale et en comblant la pénurie mondiale de 900 000 sages-femmes afin que chaque femme puisse recevoir les soins vitaux dont elle a besoin. Nous avons les outils, les connaissances et les ressources nécessaires pour mettre fin aux décès maternels évitables ; ce dont nous avons besoin maintenant, c’est de la volonté politique. »
Le rapport questionne les conséquences du Covid-19 qui risque d’avoir aggravé la situation, mais on le saura plus tard, les données collectées s’arrêtant en 2020, donc au début de la pandémie.
Il conclut que le monde doit accélérer considérablement les progrès pour atteindre les objectifs mondiaux de réduction des décès maternels, ou bien, selon ses prévisions, risquer la vie de plus d’un million de femmes supplémentaires d’ici 2030.
Image d’en-tête : illustration de la couverture du rapport de l’OMS « Tendances en matière de mortalité maternelle 2000 à 2020 »
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