Sclérose en plaques : de nouveaux médicaments expérimentaux ciblent un double mécanisme physiopathologique de la maladie
Molécules repositionnées, les inhibiteurs de la tyrosine kinase de Bruton agissent à la fois sur l’immunitée innée et adaptative
Cette classe pharmacologique de médicaments a initialement été développée pour le traitement des cancers, donc pour l’oncologie. Les inhibiteurs de la tyrosine kinase de Bruton ciblent les mécanismes centraux et adaptatifs du système nerveux central (SNC) et pourraient changer la donne dans la prise en charge de la sclérose en plaque pour laquelle on dispose de médicaments agissant essentiellement sur les symptômes au niveau périphérique.
La sclérose en plaques (SEP)
C’est une maladie inflammatoire auto-immune du système nerveux central (SNC), qui touche le cerveau et la moelle épinière. Le processus pathologique en cause est l’attaque immunitaire de la myéline, une protéine clé constitutive du gainage de protection des axones, des prolongations des neurone essentiels pour la propagation de l’influx nerveux. Cette atteinte de la membrane biologique de myéline affaiblit l’influx nerveux.
Les perturbations occasionnées sont motrices faiblesse musculaire des membres) , sensitives (engourdissements, fourmillements, douleurs, troubles visuels), troubles de l’équilibre, et cognitives (problèmes d’attention, concentration, mémoire,…) évoluant le plus souvent par poussées (forme rémittente, 85 % des cas, l’autre étant la forme « progressive d’emblée » d’apparition en général plus tardive), et générant un handicap irréversible au fil du temps.
Le début des symptômes est en moyenne vers 30 ans, et 3 fois plus de femmes sont touchées que les hommes.
La symptomatologie et l’évolution de la maladie est très variable selon les personnes
110 000 personnes sont atteintes en France soit 150 000 cas pour 100 000 habitants. La sclérose en plaques est la première cause de handicap sévère non traumatique chez les jeunes adultes.
S’il ne s’agit pas d’une maladie héréditaire, des facteurs génétiques sont propices au développement de la maladie (prédisposition génétique), associés à des facteurs environnementaux mal élucidés, possiblement en lien avec le climat car la maladie est plus fréquente quand on s’éloigne de l’équateur : taux d’ensoleillement en cause, qui influe sur le taux de vitamine D ?
On soupçonne aussi sur la base des données épidémiologiques le tabagisme, les polluants respiratoires, l’obésité, le virus d’Epstein-Barr, et sachant qu’une infection par le VEB reste une hypothèse impliquée non vérifiée mais qui on va le voir plus loin, est sérieuse.
Traitements actuels
On ne sait pas guérir la maladie, on essaie de prévenir la gravité et l’apparition des poussées des formes rémittentes. Pour cela, on utilise des médicaments qui agissent sur le système immunitaire :
- des anti-inflammatoires : corticoïdes à forte dose en cas de poussée pour atténuer les symptômes. Ils agissent sur le système immunitaire adaptatif
- des immunomodulateurs comme l’interféron-bêta et des immunosuppresseurs qui agissent par déplétion des lymphocytes B comme le fingolimod. Dans cette dernière classe sont également apparus des médicaments biologiques de la classe des anticorps monoclonaux.
Nouvelle stratégie d’immunothérapie : inhibiteur de BTK ciblant réponse adaptative et innée
La tyrosine kinase de Bruton (TKB) est une enzyme qui participe au développement des lymphocytes B, en l’inhibant, on permet cette déplétion en lymphocytes B décrite plus haut, comme action sur le système immunitaire adaptatif au niveau périphérique sur les événements inflammatoires locaux. Mais cela n’empêche pas la progression de la maladie le plus souvent.
L’intérêt des inhibiteurs de TKB – médicaments expérimentaux en phase 3 de recherche clinique – est d’agir également sur le système immunitaire inné, sur des mécanismes au niveau du SNC.
On a donc ainsi une double approche : des effets anti-inflammatoires périphériques, pour atténuer les symptômes, des effets centraux sur la progression, et ici donc une activité des deux côtés de la barrière hémato-encéphalique.
Au niveau central, on s’est rendu compte que les cellules du SNC jouent un rôle important, en particulier les macrophages dans la microglie en favorisant la réactivation des lymphocytes T qui agissent en périphérie mais aussi pour l’inflammation chronique qui existe dans le SNC. Il y aurait aussi un rôle de réactivation des lymphocytes B au niveau du SNC.
Ainsi, en ciblant les réponses immunitaires au niveau du SNC en plus de la périphérie, il est possible qu’on se rapproche d’un traitement un peu plus causal de la maladie, permettant en tout cas de limiter la progression elle-même.
Rôle de l’inhibiteur de BTK sur le virus d’Epstein-Barr
Les données émergentes semblent suggérer que le VEB pourrait jouer un rôle dans la voie causale, qu’il s’agisse d’un déclencheur de SEP ou d’un moteur de la physiopathologie de la SEP et en lien avec la forme latente et la forme active du VEB dans l’organisme. On a découvert que le VEB dans sa forme latente présente une protéine membranaire « 2A » qui court-circuite la signalisation des récepteurs des lymphocytes B. Dès lors, en inhibant la BTK il est possible qu’on élimine préférentiellement les lymphocytes B infectés par le VEB.
Or en oncologie, la première génération d’inhibiteurs de la BTK a démontré un effet antiviral sur la forme latente du VEB.
Evidemment, il faut maintenant attendre les données complètes de phase 3, et mettre en balance l’éventuelle efficacité et la sécurité d’emploi, sachant qu’il existe un léger signal hépatique à ce stade.
Quelles sont les autres pistes médicamenteuses pour la sclérose en plaques ?
Régéner la myéline, qui est un processus naturel que l’on tente de favoriser avec, par exemple, des anticorps monoclonaux dirigés contre des molécules qui inhibent la remyélinisation (phase 2 clinique et beaucoup de recherche fondamentale). Il s’agit là d’une voie endogène de la remyélinisation. On recherche aussi la possibilité d’une voie exogène avec la greffe de cellules myélinisantes.
Pour aller plus loin
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