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« Big Mother » de Mélody Mourey au Théâtre des Béliers Parisiens

Il était une fois un grand pays démocratiques, les Etats-Unis, à quelquessemaines des élections présidentielles. Le président sortant est discrédité par une sex tape scandaleuse sur laquelle, forcément, enquêtent les quatre rédacteurs du New-York investigation : Owen Green, Alex Cook, Kate Blackwell et Julia Robinson. Mais si la vidéo en question était un fake, fabriqué à grand renfort d’Intelligence Artificielle ? Le scandale profite à un nouveau venu en politique : Démocratie totale. Ce parti, jusque-là peu plébiscité, semble bénéficier d’une soudaine popularité grâce à son argument principal : les démocraties représentatives ont échoué dans leur tâche et les électeurs ne leur font plus confiance, alors pourquoi ne pas penser un rapport direct à la politique ? Tout le monde donnera son avis sur tout par le biais des réseaux sociaux.

L’enquête est minutieuse et haletante. On va de surprise en surprise pour découvrir comment, dans un pays qui affirme la transparence des sources, l’honnêteté des méthodes et l’évidence des combats, on peut s’ingénier à manipuler les esprits et obliger les individus à penser. Jadis, en 1948, Georges Orwell menaçait du surgissement de Big Brother, le despote qui lit dans les âmes et manipule les consciences. Mélody Mourey modernise le thème : Big brother a laissé place à Big Mother. Cette dernière n’a rien d’effrayant, bien au contraire, elle se glisse en douceur dans les habitudes de tout un chacun, elle est le fruit direct de nos bonnes volontés d’occidentaux malléables. C’est nous tous qui l’avons fait naître sur Facebook, Instagram et X. Big mother, c’est un projet titanesque de manipulation de la pensée, composé de fake news
systématiques, de rumeurs lancées, de mensonges imposés, le tout sous les apparences d’une pseudo liberté de penser et baigné par un discours d’apparence inoffensif, écologique, faussement libéral, simple et solide.

Et dans ce kaléidoscope satanique, la vie privée et l’existence publique ne font plus qu’un : c’est ce qui arrive à la journaliste Julia Robinson. Quels que soient sa bonne volonté, son intelligence, son degré de lucidité, elle se laisse, elle aussi, happer par le monstre qui dirige nos vies. Être journaliste, ce n’est plus « éclairer le monde », c’est le subir aussi.

Bien entendu, toute ressemblance entre cet univers théâtral et ce que connaissent, depuis quelques années, la majeure partie des sociétéslibérales avancées ne saurait être le fruit du hasard : on nous parle de nous, de notre rapport à la politique, de notre enfermement au cœur des réseaux sociaux, de la façon dont nous nous offrons, pieds et poings liés, à cette pieuvre tentaculaire qui dirige le Web.

Tel est le thème général de cette dystopie qui ne se prive pas, pour autant, d’avoir recours à l’humour grâce à quelques saillies bien pensées. Six comédiens, en tous points excellents, campent la vingtaine de personnages de cette micro-société rendue folle par les vertus d’un texte efficace et d’une mise en scène inventive et réjouissante. Un excellent moment de théâtre qui parle à tous : c’est la fonction même de cet art.

Avec en alternance : Etienne Beydon • Patrick Blandin • Ariane Brousse • Benoît Cauden • Éric Chantelauze • Solène Cornu • Guillaume Ducreux • Axel Huet • Jordi Le Bolloc’h • Marine Llado • David Marchal • Karina Marimon • Laurence Oltuski • François Pouron • Marie-Laurence Tartas • Enora Texier • Laëtitia Vercken

Durée: 1h40 du mardi au samedi 19h – Dimanche à 17h
Théâtre des Béliers Parisiens – 14 bis rue Sainte Isaure, 75018 Oarus

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