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La science au service de la lutte contre la soumission chimique : un agitateur de boissons détecteur de drogues

Des chercheurs canadiens ont créé Spikeless, un bâtonnet capable de détecter le GHB ou la kétamine dans une boisson en 30 secondes

Un verre posé sur un comptoir, un instant d’inattention : c’est souvent ainsi que des drogues comme le GHB ou la kétamine sont glissées dans une boisson. Invisibles et insipides, ces substances, utilisées pour la soumission chimique, constituent une menace mondiale. À l’UBC (Université de Colombie-Britannique), une équipe de chercheurs a mis au point Spikeless, un agitateur révolutionnaire qui repère ces drogues en un temps record. Cette invention promet de changer la donne pour la prévention des agressions en contexte festif.

Une réponse à un fléau global

La soumission chimique touche des milliers de personnes chaque année, en particulier dans les bars, clubs et festivals. Le GHB (acide gamma-hydroxybutyrique) et la kétamine, discrets mais puissants, sont parmi les substances les plus utilisées. « Le risque est partout où l’on consomme des boissons « , explique Samin Yousefi, étudiant en maîtrise d’ingénierie chimique à l’UBC et co-inventeur de Spikeless, dans un communiqué de l’université (UBC News, 2024). Les solutions actuelles, souvent coûteuses ou peu pratiques, peinent à répondre à ce défi.

Une technologie simple et discrète

Spikeless ressemble à un agitateur classique, mais son extrémité en bioplastique intègre une substance chimique réactive. Lorsqu’il est plongée dans une boisson contenant du GHB ou de la kétamine à des concentrations dangereuses, il change de couleur en moins de 30 secondes. « Nous souhaitions un outil intuitif, et c’est bien le cas quand on touille son verre de cocktail« , précise Samin Yousefi. Cette rapidité, alliée à la discrétion, permet de vérifier un verre sans attirer l’attention, un avantage dans des environnements sociaux où la vigilance peut être mal perçue.

Une innovation ancrée dans la science

Le projet Spikeless, dirigé par le professeur Johan Foster au Département d’ingénierie chimique et biologique de l’UBC, repose sur des avancées en chimie analytique. Selon un communiqué officiel de l’UBC, l’équipe a mis au point un bioplastique capable de détecter des concentrations spécifiques de GHB et de kétamine. Bien que les publications scientifiques détaillées ne soient pas encore publiques en raison de l’homologation en cours auprès de Santé Canada, les tests en laboratoire ont confirmé la fiabilité du dispositif. Ces travaux s’appuient sur des recherches antérieures, comme celles sur les bandelettes Check Your Drink, détectant des concentrations de 3 à 12 mg/ml de ces substances.

Un outil conçu pour le quotidien

Spikeless se distingue par sa praticité. À usage unique et peu coûteux à produire, il pourrait être distribué à grande échelle dans les lieux festifs. « Notre but est de rendre la détection accessible à tous », indique Sasha Santos, membre de l’équipe. Contrairement aux vernis à ongles ou aux verres détecteurs, Spikeless s’intègre naturellement à l’expérience de consommation. En France, où un plan national contre la soumission chimique existe depuis 2022, un tel outil pourrait compléter les initiatives de prévention.

Des limitations existent

Spikeless n’est pas infaillible. Comme le note testdrogue.fr, les tests ciblant uniquement GHB et kétamine ne couvrent pas les nombreuses autres substances utilisées, comme le GBL ou les benzodiazépines. La fiabilité dans des boissons complexes (colorées ou lactées) reste à valider. L’équipe de l’UBC travaille à élargir le spectre de détection et à obtenir les certifications nécessaires, un processus complexe. « Nous savons que ce n’est qu’un premier pas« , admet Samin Yousefi.

Une startup pour démocratiser l’accès

Pour commercialiser Spikeless, l’équipe a créé une startup soutenue par l’UBC. L’objectif est de produire l’outil à bas coût et de nouer des partenariats avec des bars, festivals et associations. « Nous voulons voir Spikeless partout où il y a un verre », déclare le Pr Johan Foster. Des initiatives similaires, telle que la distribution de sous-verres détecteurs à Rivière-du-Loup, montrent que des solutions pratiques peuvent avoir un impact concret tout en sensibilisant.

Un levier pour changer les mentalités

Au-delà de la technologie, Spikeless porte un message : la sécurité en soirée concerne tout le monde. En démocratisant la détection, il pourrait briser le silence autour de la soumission chimique. « Si Spikeless sauve ne serait-ce qu’une personne, notre travail aura valu la peine« , juge Samin Yousefi. Dans un contexte où les signalements d’intoxications augmentent, cet outil pourrait devenir un allié précieux.

Illustration d’en-tête : Andrea pour Science infused

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