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Cinéma : « Enzo » : un murmure d’été vibrant et les atermoiements d’un adolescent

Réalisé par Robin Campillo d’après une idée de Laurent Cantet, Enzo est un portrait sensible d’un adolescent en quête de sens, entre rébellion sociale et éveil intime. Il nous évoque le film Call Me by Your Name par son trouble sensuel

Synopsis : « Enzo, 16 ans, est apprenti maçon à La Ciotat. Pressé par son père qui le voyait faire des études supérieures, le jeune homme cherche à échapper au cadre confortable mais étouffant de la villa familiale. C’est sur les chantiers, au contact de Vlad, un collègue ukrainien, qu’Enzo va entrevoir un nouvel horizon. »

Quelques mots sur Michel Leclerc, pas plus de 15 lignes

Sous le soleil écrasant de La Ciotat, Enzo s’ouvre comme une vague de chaleur, saturée de bruits de chantier, de cigales et d’une lumière qui dore la poussière. Réalisé par Robin Campillo après le décès de Laurent Cantet en 2024, ce film, présenté à la Quinzaine des Cinéastes à Cannes 2025, est un bijou d’émotion contenue, un adieu vibrant qui murmure plus qu’il ne crie. Sa délicatesse est enveloppante. Enzo, 16 ans, est apprenti maçon, incarné par Eloy Pohu, un non-professionnel qui offre son naturel entre ombre et éclat. Fils de bourgeois, avec une mère douce (Élodie Bouchez, toujours bouleversante, jamais décevante) et un père érudit (Pierfrancesco Favino, tout en nuances), il rejette études et villa avec piscine pour le béton, la sueur, le réel. Cette rébellion silencieuse, presque instinctive, est filmée avec tendresse, rappelant l’éveil sensuel du film Call Me by Your Name (2017), où Timothée Chalamet, adolescent frémissant, succombait au charme d’un Armie Hammer magnétique. Pour l’anecdote, ce dernier a été mis au placard d’Hollywood brutalement en 2021 suite à des accusations de violences sexuelles et de fantasmes extrêmes. Dans Enzo, c’est Vlad, l’ouvrier ukrainien (Maksym Slivinskyi), qui joue le rôle de l’homme magnétique, et c’est réussi. Son torse, ô surprise, est un tapis de poils digne de Guy Marchand, le crooner sexy des années 80, et Enzo, n’y résiste pas. Loin des torses glabres à la mode aujourd’hui, Vlad arbore une pilosité brute mise en avant comme une attraction. La relation entre Enzo et Vlad, jamais nommée, oscille entre camaraderie et trouble amoureux. Robin Campillo, maître des corps (120 Battements par minute), filme leurs échanges avec une sensualité feutrée : un regard qui s’attarde, une main qui frôle. Comme dans Call Me by Your Name, où la tension entre Elio et Oliver était magnifiée par une bande-son hypnotique signé notamment par Sufjan Stevens, en particulier le magnifique titre Futile Device. Enzo brille aussi par sa musique. Ici, pas d’électro onirique, quoi que, une fête au bord de la piscine en donnera l’avant-goût, mais des accents de musique classique italienne qui drapent le film d’une élégance intemporelle. Ces notes, mêlées aux bruits du chantier, créent une alchimie envoûtante, moins pop que Call Me by Your Name mais tout aussi immersive, donnant au film une âme vibrante. La mise en scène de Robin Campillo, servie par la photographie éclatante de Jeanne Lapoirie, sublime les textures : le grain du béton, le bleu du ciel, la sueur sur la peau. Les moments de fragilité, comme ce dîner familial tendu, des nuits étoilées où Enzo rêve; sont filmés avec une justesse. L’évocation de la guerre en Ukraine via Vlad et son ami d’exil en France, reste en surface, et les parents, d’Enzo restent un peu esquissés. Mais l’émotion l’emporte. Enzo, transfuge de classe à rebours, refuse le confort bourgeois pour un ailleurs authentique. Sa fascination pour Vlad, amicale ou amoureuse, est une quête d’un monde plus vrai. Le dernier plan, d’une poésie déchirante, ouvre plus qu’il ne clôt. L’affiche du film en est d’ailleurs tirée.

« Enzo » de Laurent Cantet et Robin Campillo, avec Eloy Pohu, Pierfrancesco Favino, Élodie Bouchez ; Maksym Slivinskyi, Vladislav Holyk- durée 1h42 – sortie le 18 juin 2025

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