Quand certains médecins s’érigent en juges de la mort : une opposition glaçante à l’aide à mourir
Face à la légalisation de l’aide à mourir, une frange de médecins s’oppose avec acharnement, s’appuyant sur un non-dit religieux larvé et un privilège d’un autre temps. Une posture qui nie le droit des patients à diriger leur vie jusqu’au bout, même par anticipation
Depuis l’annonce d’une proposition de loi sur l’aide à mourir en 2024, un débat virulent secoue la France, où certains médecins affichent une opposition catégorique. Cette résistance repose sur deux piliers hérités d’une vision dépassée : un non-dit religieux larvé sacralisant la vie, influencé par des commandements comme « tu ne tueras point » mais masqué par la laïcité, et un privilège d’un autre temps où le médecin se pose en juge suprême de la vie et de la mort. Pourtant, ce débat transcende la sphère médicale : il y a un à deux ans, une commission citoyenne, incluant des représentants du peuple, a été consultée et a largement confirmé la nécessité de cette loi, reflétant une volonté sociétale. Malgré cela, ces médecins s’entêtent, refusant aux patients le droit de diriger leur image et leur devenir en cas de déchéance, qu’il s’agisse de choix immédiats ou anticipés.
Un non-dit religieux larvé qui sacralise la vie
Le premier pilier de cette opposition est un sous-texte religieux soigneusement dissimulé. Ces médecins évitent d’afficher la religion comme leitmotiv – une prudence dictée par la laïcité républicaine – mais leur refus de l’aide à mourir trahit une sacralisation implicite de la vie, écho du commandement « tu ne tueras point ». Leur obstination à préserver la vie à tout prix, même face à une souffrance insoutenable, suggère une vision où la mort assistée est un sacrilège, une morale larvée qui guide leurs décisions sans être avouée. Cette posture nie le droit des patients à contrôler leur devenir en cas de déchéance, qu’ils expriment leurs volontés en fin de vie ou les anticipent par des directives, ignorant que la mort fait partie de la vie et relève de leur libre arbitre.
Un privilège d’un autre temps : le médecin-juge de la mort
Le second pilier repose sur un privilège médical archaïque, où le médecin s’arroge le droit de trancher sur la vie et la mort. Soutenus par l’Ordre des médecins, souvent critiqué pour son conservatisme, ces praticiens défendent cette autorité comme un héritage sacré, menant une lutte incessante pour des privilèges poussiéreux. L’Ordre incarne souvent cette vision, résistant à tout partage de pouvoir avec la société. Pourtant, ce débat n’est pas médical : il s’agit d’une solution sociétale, validée par la consultation citoyenne, et non d’un monopole à conserver. Ces médecins refusent aux patients le droit de diriger leur vie jusqu’au bout, y compris par anticipation, s’opposant parfois à des demandes anticipées. Mais qui sont-ils pour décider, et sur quelles valeurs, souvent floues ou implicites, s’appuient-ils pour imposer leur jugement, même contre les volontés exprimées ?
Le déni de l’autonomie des patients, une conséquence logique
Cette double posture conduit à un déni flagrant de l’autonomie des patients. Une étude du Journal of Pain and Symptom Management montre que les personnes en fin de vie valorisent un contrôle actif sur leur mort, englobant des aspects émotionnels et sociaux. Pourtant, ces médecins rejettent cette capacité, estimant les patients incapables de décisions « rationnelles » dans la douleur, malgré le principe juridique et éthique selon lequel toute personne est présumée en pleine faculté de décision, sauf preuve contraire. Ce paternalisme infantilise les malades, contredisant leur droit inaliénable à diriger leur image et leur devenir en cas de déchéance, qu’il s’agisse de volontés exprimées en fin de vie ou anticipées. Ce déni découle de leur statut autoproclamé de juges suprêmes, un rôle que la société cherche à démocratiser.
Soins palliatifs et aide à mourir : un faux dilemme imposé
Pour étayer leur opposition, ces médecins brandissent les soins palliatifs comme une solution universelle, arguant qu’une amélioration de ces soins rendrait l’aide à mourir superflue. Mais ce dilemme est artificiel. En Oregon, où l’aide à mourir est légale depuis 1997, une étude de Modern Healthcare montre que 30 % des médecins ont accru leurs références vers les soins palliatifs post-légalisation, prouvant une coexistence bénéfique. En Belgique, une synergie entre les deux approches améliore la prise en charge. Cette binarité imposée sert à maintenir leur autorité, refusant de reconnaître que les patients, en pleine capacité, doivent guider leurs choix, anticipés ou immédiats.
Un témoignage poignant face à un faux argument
Un témoignage recueilli récemment illustre les failles de cette logique. Une personne atteinte de sclérose en plaques (SEP), rongée par la maladie, a exprimé son désir d’aide à mourir, en partie faute d’accès à un médicament expérimental prometteur, encore en évaluation pour ralentir la progression de la SEP, mais non commercialisé en France. Certains opposants s’appuient sur cet exemple pour arguer qu’il faut attendre « des traitements en expérimentation qui pourraient bientôt être disponibles », rendant la loi inutile. Cet argument est un faux prétexte : les délais d’approbation – parfois des années, comme le note le ASCO Post – et les barrières bureaucratiques rendent cet espoir illusoire. Cette attente prolonge la souffrance, tandis que le non-dit religieux et le privilège de juge nient à cette personne le droit de diriger son image en cas de déchéance, malgré ses volontés anticipées ou immédiates.
Un fossé grandissant avec les attentes de la société
Cette double posture entre en conflit avec la société. Il y a un à deux ans, une commission citoyenne a largement soutenu la nécessité de cette loi, un consensus renforcé par un sondage IFOP de mars 2024 montrant que 76 % des Français appuient l’aide à mourir pour les patients en fin de vie souffrant de douleurs incontrôlables. Au Canada, où cette pratique est légale depuis 2016, 1 200 praticiens étaient formés en 2023, selon Santé Canada. En France, ce décalage risque de creuser un fossé de confiance, alors que les citoyens exigent une solution sociétale respectant le droit des patients à anticiper ou exprimer leurs choix.
Pour une médecine d’humilité et de respect
Face à cette opposition, les médecins doivent faire preuve d’humilité. Accepter l’impuissance face à certaines souffrances, comme le prônent les meilleurs soins palliatifs, est essentiel. Plutôt que de s’accrocher à un non-dit religieux larvé ou à des privilèges dépassés, ils devraient accompagner les patients, reconnaissant leur droit à diriger leur image et leur devenir en cas de déchéance, qu’il s’agisse de volontés anticipées ou en fin de vie. La médecine n’est pas une divinité jugeant la vie sur des valeurs opaques, mais un service au service de l’humain, aligné sur la volonté citoyenne.
Un parallèle avec le droit des animaux : une évolution sociétale
Ce débat sur l’autonomie face à la mort trouve un écho dans une autre évolution sociétale : le développement du droit des animaux. Reconnu comme des êtres sentients dans plusieurs pays, les animaux bénéficient désormais de protections juridiques, avec des procès intentés en leur nom et une jurisprudence croissante, y compris en France. Cette reconnaissance marque une sortie d’une vision anthropocentriste, longtemps définie par des dogmes religieux plaçant l’humain au-dessus de toute autre vie. De la même manière, l’opposition des médecins à l’aide à mourir reflète une résistance à abandonner une vision théologique de la vie humaine, alors que la société évolue vers une reconnaissance de l’autonomie individuelle, y compris face à la mort.
Illustration d’en-tête : Andrea pour Science infused
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